[Des Lumières sur la Toile] #24 - U

Posté le 29/11/2023 à 14h00 par Vega
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Bonjour à tous ! Aujourd’hui, nous allons parler d’un film d’animation assez particulier et peu connu. Découvrons ensemble U ! Non, pas « Hue » comme dans « Hue, cheval ! ». U. Juste U.



Bande-annonce du film

Présentation :

U est un film d’animation français sorti en 2006. Il a été réalisé par Grégoire Solotareff et Serge Elissalde et produit par la société Prima Linea Productions. Il est destiné à un public relativement jeune (aux alentours de 8 ans) mais peut tout aussi bien être visualisé (et compris différemment, grâce à sa double lecture) par les adultes. Il présente des décors à l’aquarelle très originaux, très prononcés en couleurs et le style graphique semble même unique en son genre. Les musiques réalisées par Sanseverino sont très particulières, très inspirée du Jazz Manouche, et s'accordent fortement avec les différentes scènes. L’histoire met en scène des animaux nus et évoque divers sujets tels que les relations aux autres, l’adolescence et, de manière plus globale, l’amour. Il est disponible en intégralité sur Youtube.

 

 

Résumé

Le film relate l’histoire d’une enfant chienne se sentant très seule, la princesse Mona, qui vit dans un grand château presque vide au bord de l’océan. Ses parents, Monseigneur et Goomi, sont deux rats (ce ne sont pas ses parents biologiques) cruels et médisants. Mona se trouve ainsi malheureuse d’être malmenée et solitaire, et pleure beaucoup. Un jour, prononçant “u” dans ses pleurs, elle voit apparaître une licorne nommée U devant elle. U accompagne Mona afin qu’elle se sente mieux, jusqu’à ce que cette dernière grandisse et devienne une jeune adolescente. Cependant, malgré tout, la princesse Mona s’ennuie. Par une journée ensoleillée, U décide de se promener dans la forêt. Elle y rencontre un lézard, Lazare (doublé par Guillaume Gallienne), qui fait partie d’une famille de six individus appelés les Wéwé, et elle lui demande de distraire la princesse. Nous faisons ainsi la connaissance du reste de la troupe : Baba (ou Archibald) le père, Mama la mère, et leurs enfants Mimi, Rouge et Kulka. Leur rencontre va bouleverser le destin de Mona et d'U.

 

 

Suite de l’histoire par personnage et analyse (spoil) :

Le film nous montre dans un premier lieu des endroits sombres, ternes, sans couleur, sans vie, la joie n’y est clairement pas présente. À ce moment-là Mona est encore seule, parcourant un interminable dédale d’escaliers, s’éclairant avec une faible lumière. L’atmosphère exprime clairement son ressenti et le fait qu’elle essaye de suivre son chemin malgré sa vie morose. Suite à ses pleurs, U apparaît, et toutes deux deviennent très amies, des confidentes, et un lien unique les relie presque comme si elles étaient sœurs. Elles découvrent ensuite l’existence des Wéwé dans une forêt qui semble être tout l’opposé du manoir de Mona : pleine de couleurs, de vie, d’animation et de musique. Suite à leur rencontre, les parents de Mona (les rats) ordonnent aux Wéwé de plier bagages. Rapidement, Mona se montre curieuse de ces Wéwé et s’intéresse particulièrement à Kulka. On peut y comprendre l’attrait d’une jeune ado envers des choses dont elle a été jusqu’à présent privée, et envers des personnes qu’elle n’a pas eu l’occasion de côtoyer, ayant toujours vécu seule ou avec U. Cela rappelle le cliché classique d’un adolescent qui se « rebelle » contre ses parents : alors que ces derniers souhaitent le départ des Wéwés, elle préfère apprendre à les connaître. Ceci est d’ailleurs souligné lorsque Mona juge qu’il est temps de dire aux parents qu’ils ne sont pas les seuls à décider.

 

 

De son côté, Monseigneur (le père de Mona, mais qui n’est en réalité que le fils de la mère rate, Goomie), s’oppose à Goomie lorsqu’elle partage avec lui son projet d’empoisonner les Wéwé avec de la mort-aux-rats. Tout comme sa fille Mona, il découvre des plaisirs de la vie qu’il ne soupçonnait pas. Bien qu’il ne se soit pas encore lié d’amitié avec quiconque, il refuse que sa mère commette un acte aussi cruel. Dès lors, il part dans une direction opposée à sa mère. Plus tard dans le film, Monseigneur rejoint Mama en pleine nuit. N’ayant jamais vraiment eu l’occasion d’aimer ou d’être aimé, il trouve avec peine ses mots pour lui avouer ce qu’il ressent : Mama ne lui est, je cite « pas antipathique ». On assiste alors à une scène pleine de sous-entendus sexuels. Notamment, il aimerait beaucoup pouvoir enfin goûter tranquillement aux bonnes pâtisseries de Mama, sans que sa mère ne soit dans les parages pour le surveiller. Mama lui propose alors deux pâtisseries qui ont perdu de leur fraîcheur à cause de leur âge. Monseigneur se rend alors compte qu’il ne sait plus où il en est, ni ce qu’il fait, et que sa mère avait raison : les jolies femmes ça rend malheureux.

 

 

Très rapidement dans le film, U va changer de comportement. Mona la croira de mauvaise humeur, mais U soutient que non. En réalité, U perçoit que sa relation avec sa meilleure amie Mona évolue, et pressent déjà que Mona s’éloigne d’elle, ce qui la rend très malheureuse. Comme le dit U : « On est toujours la princesse de quelqu’un », sauf que dans son cas, elle voit que sa princesse s’éloigne d’elle et elle a peur que cette phrase ne devienne vraie mais pour une autre personne qu’elle-même : Mona ne serait plus SA princesse, mais celle de quelqu’un d’autre. À moins qu’elle ne dise cela pour se convaincre qu’elle aussi, un jour, sera aimée comme elle aime Mona, et qu’elle aussi sera la princesse de quelqu’un. En attendant, U semble avoir peur de se retrouver seule, sans son amie Mona. Elle en fait même un cauchemar : attachée à Mona, comme prisonnière de l’amour qu’elle lui porte, U se fait attaquer par Kulka et Mona ne peut la protéger. U prétend être heureuse si Mona est heureuse, mais la licorne ressent en réalité une forte douleur en voyant son amie s’éloigner d’elle. Il lui faudra du temps pour comprendre que même si Mona aime quelqu’un d’autre, cela n’enlève pas et ne rend pas moins sincère et réel l’amour qu’elle porte à U.

 

 

En ce qui concerne Goomie, la mère rate, elle réalise que la situation dont elle avait le contrôle lui échappe. D’abord son fils Monseigneur, mais également sa fille Mona. Bien qu’elle ne témoigne aucune affection envers eux, elle paraît terrifiée à l’idée de ne plus maîtriser quoi que ce soit. Peut-être se rend-elle également compte qu’elle ne pourra jamais être comme eux, qui commencent à éprouver de la sympathie pour les autres. Comme Mona l’a dit en parlant de l’art, la mère ne peut pas comprendre et de toute manière, cela ne s’apprend pas. La mère se rend ainsi compte que la vie lui échappe.

Enfin, Kulka est le personnage dont Mona tombera amoureuse, et réciproquement. Il se rend à un rendez-vous près de l’eau (alors qu’au début du film, il affirme ne pas aimer cela) afin de la retrouver et lui apprendre à jouer de la guitare. Mama (sa maman) lui conseille de bien se couvrir car il fait toujours froid près de l’eau, ce qui peut éventuellement faire penser à une mère conseillant à son enfant de se protéger lors d’un rendez-vous. Kulka et Mona se retrouvent alors sous un arbre, près de l’eau, et finissent par parler d’amour sans se rendre compte qu’ils sont espionnés par U et Mimi (la sœur de Kulka). Kulka veut montrer à Mona comment il embrasse, mais il prend au préalable soin de lui rappeler de dire non et de ne pas se laisser faire si elle n’aime pas, illustrant ainsi le principe du consentement. Plus tard, Baba et Mama, ses parents, viennent à discuter du fait qu’ils le sentent disposé à partir. Leur discussion reflète le fait qu’un enfant n’est pas destiné à demeurer éternellement auprès de ses parents, mais plutôt à prendre son envol tôt ou tard, lorsqu’il se sent prêt et qu’il en a besoin. Cependant, ne pas vivre ensemble physiquement ne signifie pas ne plus s’aimer, et c’est grâce à cela que les parents sont heureux que leur enfant parte bientôt.

 

 

Fin du film

U se sent anéantie par la scène qui se déroule sous ses yeux : Kulka et Mona s’aiment, ils s’embrassent. La conséquence de cet amour la fait littéralement rétrécir, elle est sur le point de disparaître. Mona et U ont ensuite une sérieuse conversation. U prétend que Mona n’a plus besoin d’elle, que c’est l’amour qu’elle partage avec Kulka qui l’a rendue si petite et qu’elle doit à présent partir. Elle finit par s’envoler par la fenêtre. Mimi entre alors en scène, déterminée à dire à Mona que malgré le fait qu’elle soit amoureuse, elle n’a pas le droit de lui enlever son frère. Mona, en larmes, lui explique la situation concernant U et, d’un commun accord, elles partent toutes deux à sa recherche.

Pendant ce temps, U trouve Lazare, ce dernier l’ayant prise pour un insecte et pratiquement avalée alors qu’elle était dans les airs. Il lui avoue ses sentiments, mais U ne peut rester davantage, elle continue de rétrécir et doit donc se dépêcher de voir Mona une dernière fois. Lazare la prend sur son dos et dévale les escaliers jusqu’à la plage mais, trop légère, U finit par s’envoler. Le lézard arrive jusqu’à Mona et lui transmet les paroles de U : elle doit choisir d’être heureuse avec Kulka, sinon U aurait fait cela pour rien et il n’y aurait plus jamais de licorne pour aucune petite fille.

 

 

De son côté, Mama rejoint son mari pour retrouver U, lui racontant au passage que son amoureux, Monseigneur, lui a offert une fleur. Baba, quelque peu surpris, réplique alors « C’est fou ce que les jolies femmes aiment les hommes laids ».
Au manoir, en voulant attraper de la nourriture sur le rebord de la fenêtre, Goomie bascule dans l’océan et son corps est emporté par les vagues. Elle finit ainsi sa vie méchante et seule.

Les Wéwés finissent par se retrouver à la plage avec Mona, tous accablés par le chagrin causé par la disparition de U. Kulka aussi se met à pleurer sa disparition, à moins que ça ne soit également dû au rejet de Mona, qui lui en veut de toute cette situation. Monseigneur débarque également en pleurant la mort de sa mère Goomie, et avoue qu’il l’aimait quand même malgré le fait qu’il prétendait le contraire. Il offre la possibilité aux Wéwé de rester (puisque c’était Goomie qui faisait la loi), mais ces derniers lui proposent plutôt de l’accompagner (on notera le petit clin d'œil de Baba en disant qu’il y a de la place pour lui avec eux).
Finalement, tous s’en vont. Seuls restent les amoureux Kulka et Mona, qui décident de vivre ensemble. Lazare, lui, continue de chercher sa douce U.

 

Conclusion :

Le film U, bien qu’à l’origine destiné aux jeunes enfants, est en réalité assez “mature”. Son histoire est à la fois simple, poétique, touchante, pittoresque, et donne une signification au mot “aimer” au sens amoureux (mais pas que) du terme.
parle de l'éveil à la sensualité et au désir – Mona qui devient adolescente, U qui n'est pas indifférente à Lazare ni à Kulka, Monseigneur qui découvre qu'il existe une autre vie que celle de vieux garçon qu'il menait sous la houlette de sa mère. Ce rapport au sensuel passe également – et tout en discrétion – par ces personnages nus ; la nudité ordinaire ne manque pas dans les dessins animés, mais elle est toujours très "propre" et sage, sur des personnage asexués. Ceux d'U sont plus ambigus, légèrement plus détaillés sans non plus que le film ne s'appesantisse dessus car ce n'est pas son propos. Il propose un rapport au corps décontracté mais sans lourdeur, ce qu'il pourrait difficilement faire avec des personnages plus anthropomorphes comme avec des personnages plus animaux. À l'occasion, il sait même en rire, là encore tout en légèreté et en absurdité.

Le film offre en effet des pointes d’humour, des personnages au caractère très marqué et des dialogues sans niaiserie ni simplicité, servis par un doublage convaincant.
L'animation également est d'un style peu commun, très proche des illustrations des livres pour enfants de Grégoire Solotareff qui a beaucoup publié chez L'école des Loisirs – notamment une adaptation en livre jeunesse de ce même film. Néanmoins, celui-ci pouvait difficilement rendre les séquences les plus créatives du film : une scène autour d'un feu de bois n'hésite pas à mélanger la musique et l'image dans un tourbillon quasi-psychédélique, où les formes abstraites répondent au théâtre d'ombre, métaphore visuelle du torrent d'émotion débridée qui traverse les personnages et particulièrement Mona.

Ces moments jubilatoires alternent avec d'autres scènes volontiers mélancoliques, formant un ensemble assez doux-amer et pourtant l'histoire en elle-même se termine bien. Si vous avez effectivement regardé une petite partie du générique, vous découvrirez que U n’a en fait pas disparu ! Étant tombée amoureuse de Lazare, elle reste minuscule mais ne peut plus disparaître, à sa plus grande joie et à celle de Lazare.

Personnellement, U est un film que j’ai vu lorsque j’étais en grande section avec ma classe, et il m’a vraiment marquée. J’ai beaucoup apprécié de le voir une nouvelle fois, même si je le trouve vraiment très spécial. Je ne suis pas sûre qu’il plaise à tout le monde. D’ailleurs, si je l’avais découvert récemment plutôt qu’enfant, je ne suis pas sûre que je l'aurais aimé. Cependant, s'il suscite votre curiosité et que vous êtes ouverts d'esprit, je vous recommande tout de même d’aller y jeter un œil – d'autant qu'il ne dure que 1h11.

Et vous, est-ce que vous connaissiez U ? J’espère que cet article (un peu long désolée) vous aura plu, et je vous dis à une prochaine fois ! Bisous bisous.

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