[Des Lumières sur la Toile] #21 – The Hobbit

Posté le 16/08/2023 à 14h00 par Acylius
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Quand on parle d'adaptation au cinéma de l'œuvre du grand Tolkien, c'est aux films de Peter Jackson que tout le monde pense immédiatement. Sortie entre 2001 et 2003, la trilogie du Seigneur des Anneaux a redonné vie aux films de fantasy et offert ses lettres de noblesse à un genre jusque-là considéré comme de la littérature ou du cinéma de seconde zone, et nous ne lui en serons jamais assez reconnaissants.

Mais, sachez-le, notre ami Peter n'est pas le premier à avoir adapté à l'écran les romans de Tolkien, loin de là ! Et le moins qu'on puisse dire, c'est que les premières tentatives ont donné des résultats surprenants. Voyons-voir ça ensemble.

Imagine t'es tranquille chez toi à fumer ta pipe,
et d'un coup t'as ce gars-là qui débarque...

 

Préambule

Publiées en 1937, les aventures de Bilbon (oui, je dis Bilbon et pas Bilbo), sans doute plus simples à adapter et plus accessibles aux enfants que Le Seigneur des Anneaux, avaient déjà été adaptées quatre fois à la télévision avant que Jackson ne s'y frotte :

C'est donc celle de Rankin/Bass, collaboration américano-japonaise (chose fréquente à l'époque), qui est à l'honneur aujourd'hui. Doté d'un budget de trois millions de dollars, c'est un des films les plus connus de ce modeste mais prolifique studio. Il ne fut cependant jamais diffusé au cinéma et, à ma connaissance, n'a jamais été doublé en français, il faudra donc vous contenter de la VO, que vous pouvez trouver facilement un peu partout sur le net.

Ça c'est de la pipe de compèt' !

 

Résumé

Vous connaissez sans doute déjà les grandes lignes, alors on va aller vite. Thorin, petit-fils de Thror, roi sous la montagne, rêve de reprendre le royaume perdu de son grand-père, conquis par le terrible dragon Smaug. Pour y arriver, lui et sa bande de nains sont assistés par le magicien Gandalf, qui, pour une raison obscure (mais avouons que ce n'est pas beaucoup mieux expliqué dans le livre), décrète qu'ils auront besoin des services de Bilbon Sacquet, un tranquille petit hobbit aux pieds poilus qui n'avait rien demandé à personne. Ils s'invitent donc tous chez lui, dévalisent son garde-manger – le tout en chanson, évidemment – puis l'embarquent avec eux, direction l'aventure.

Le début des ennuis.

La suite, vous la connaissez. Les trolls, les gobelins, le concours d'énigmes avec Gollum, l'anneau, les aigles, Beorn, la forêt, les araignées, les elfes, les tonneaux, Barde et Lacville… Tout ça pour enfin arriver à la Montagne Solitaire où, depuis soixante ans, Smaug ronfle sur la montagne d'or qu'il a volée aux nains. Une montagne d'or qui, aussitôt le dragon terrassé, sera la cause et l'enjeu de pas mal d'embrouilles…

 

Analyse et commentaire

Une fois n'est pas coutume, parlons d'abord dessin et animation. Budget oblige, on est loin de ce qui se faisait à l'époque chez Disney. Ce n'est pas que le dessin soit moche, mais… personne n'est beau dans ce film. Ci-dessous de gauche à droite : Balin, Gloïn, Bombur, Thorin et Kili. Et si vous les trouvez déjà laids, vous n'êtes pas prêts pour voir à quoi ressemblent les elfes de la forêt.

Aucun risque qu'un de ceux-là ait une amourette avec une elfe.

Mais à quoi vous attendiez-vous ? C'est normal qu'ils soient laids ! Tolkien n'a jamais décrit les nains comme beaux et la moitié de ceux-là sont censés être déjà centenaires. Je rappelle au passage que, dans le livre, Thorin est un papy de presque 200 ans…

Mais le clou du spectacle, c'est évidemment Smaug. On ne le voit que quelques minutes, mais ces minutes-là, vous n'êtes pas près de les oublier. Oui, je sais, il ressemble à un vieux chat grincheux, mais lui, au moins, c'est un vrai dragon !

Parce que celui de Jackson, ce n'est pas un dragon, c'est une vouivre.

Le reste du bestiaire n'est pas en reste, entre designs cauchemardesques et systèmes pileux hors de contrôle – d'ailleurs, presque tout le monde a une barbe ou des rouflaquettes. À part Bilbon, qui a ça sur les pieds. Question d'hormones peut-être ?

Et, cerise sur la gâteau, que serait un long-métrage d'animation sans chansons ? Il y en plein, tout le temps ! Il faut dire qu'il y a de quoi puiser, puisque les livres de Tolkien en sont aussi remplis. La plupart n'ont rien de bien mémorable, mais je décerne quand même une mention à celle des nains, presque aussi bien que celle des films de Jackson.

Mais en tant qu'adaptation, qu'est-ce que ça vaut ? Et bien ça tient étonnamment bien la route. Nonobstant les quelques passages du livre qui ont dû être retirés faute de temps, l'intrigue est fidèlement respectée. Mais surtout, ce sont le ton, l'ambiance, l'atmosphère qui sont retranscrits avec fidélité. Au point même que...

 

Une meilleur adaptation que celle de Jackson ?

Ce que Peter Jackson, pris de folie des grandeurs après le triomphe de son Seigneur des Anneaux, n'a visiblement pas compris, c'est que Bilbon le Hobbit, c'est un conte pour enfants, pas une fresque épique remplie de batailles homériques qu'il faut étirer sur dix heures.

Ce film-ci, par contre, l'a compris. Ici, pas d'interminables et ridicules scènes de course-poursuite en tonneau ou en brouette, pas de combats sans queue ni tête qui ressemblent à des numéros de cirque, pas de gargantuesques scènes de batailles dégoulinantes de numérique, pas de Légolas kikou qui fait son kéké et pas de romance à la noix sortie du sinus encrassé d'un scénariste bourré.

Bourré, ou autre chose…

Et honnêtement, je suis content qu'il existe des films comme celui-ci, pour proposer une autre vision de la Terre du Milieu que celle à laquelle les films de Jackson nous ont habitués, et qui ébranlent un peu le monopole qu'ils exercent depuis vingt ans sur l'oeuvre de Tolkien.

Et si l'expérience vous plait, sachez que les studios Rankin/Bass ont récidivé trois ans plus tard avec une adaptation du Retour du Roi (le troisième tome du Seigneur des Anneaux, en zappant les deux premiers), exactement dans le même style, avec encore plus de bizarreries.

Quand y'en a plus, y'en a encore !

 

Conclusion

Un film pas toujours très beau, rempli de bizarreries, mais néanmoins sympathique et qui a le mérite d'offrir aux curieux une vision originale, surprenante et un peu plus pittoresque du monde de la Terre du Milieu que celle beaucoup plus hollywoodienne à laquelle nous sommes accoutumés.

 

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