[Télé Pony] – Kipo et l'Âge des Animonstres

Posté le 06/05/2023 à 14h00 par Tumbleash
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6 mai 2023  à peu près l’été 2222

Bienvenue à Las Vistas ! J’espère que le voyage s’est bien passé, que les Mégachiens ne vous ont pas fait trop peur et que vous avez pu profiter du paysage qu’offrent les ruines ; préparez-vous à découvrir ou re-découvrir Kipo et l’âge des Animonstres !

Qu’est-ce que c’est ?

Kipo et l’âge des animonstres (VO: Kipo and the age of Wonderbeasts) est une série animée d’aventure qui mêle fin du monde, découverte, road-trip et humour. Elle raconte les aventures de Kipo Oak – 13 ans – dans un monde post-apocalyptique où les humains ont pratiquement disparu de la surface du monde, cédant la place à des animaux mutants hauts en couleurs.
Réalisée par Radford Sechrist et adaptée d’après son webcomic éponyme, la série est produite par DreamWorks, tandis que le travail d'animation est assuré par le Studio Mir en Corée du Sud – les mêmes à qui étaient sous-traitées l'animation de La Légende de Korra ou du reboot récent de Voltron. Les épisodes sont tous sur Netflix, et remarquablement aisés à trouver ailleurs en ligne.

Synopsis :

Las Vistas, année 2222 – enfin, à peu près, car il y a bien longtemps qu’on ne s’embête plus à compter. Le monde tel qu’on le connaissait n’existe plus. Les grandes villes sont en ruine, les nations ne sont que de l’histoire ancienne, et les humains eux-mêmes craignent la surface et se sont réfugiés dans des abris souterrains, les terriers. La surface appartient aux Mutants, séparés en deux catégories : Les Mégamutants, immenses et restés sauvages ; et les autres, qui sont à taille humaine, doués de langage et de raison, et qui s’organisent en clans sur la base de leur espèce. Les clans ne se mélangent pas entre eux et préfèrent même s’éviter, quand ils ne sont pas carrément en guerre. De plus, chacun d’entre eux cultive un thème esthétique hérité de l’ancien monde : les Chats Bûcherons taillent des arbres et jouent de la musique folk, les Serpents Ümlaut préfèrent le hard rock, les Grenouilles s’habillent de costumes sur mesure et jouent les mafieux sur leur territoire… Quant aux quelques humains qui vivent encore à la surface, ils doivent se montrer vifs, forts, discrets et débrouillards, sous peine de finir en dîner. Car si les mutants ne s’apprécient pas beaucoup entre eux, ils s'accordent presque tous sur un point : les humains, c’est pire.

En haut, de gauche à droite : Les Mod Frogs, les Umlaut Snäkes, les Timbercats. 
En bas : les habitants de Ratland, les Humming Bombers et les Fitness Raccoons. 
Non représentés : les Newton Wolves, les Dubstep Bees, les Scooter Skunks…

Dans l’ensemble, la vie est donc assez dure, pour les humains tout particulièrement… Et puis, débarque Kipo ! Expulsée par accident de son terrier, Kipo cherche à rentrer chez elle, ce qui n’est pas chose aisée puisqu’elle n’a jamais mis les pieds à la surface, n’a aucun sens de l’orientation ni de la survie, et la fâcheuse habitude de vouloir faire ami-ami avec tout ce qu’elle rencontre… Heureusement pour elle, Kipo se lie d’amitié avec des compagnons atypiques : Wolf (Louve en VF) la survivante endurcie, Benson le beau parleur et son meilleur ami Dave l’insecte immortel – sans oublier Mandu, la laie mutante à six pattes et quatre yeux. Tout ce petit monde tâche d’aider Kipo à rentrer chez elle en un seul morceau, ce qui n’est pas facilité par l’attitude de l’héroïne.
Cependant, il semble que Kipo elle-même ait beaucoup plus à leur apporter que l’inverse ! En effet, la jeune fille s’efforce de toujours chercher (et trouver) le meilleur en chacun, et il semble qu’elle y arrive souvent. Ramènera-t-elle la paix et l’entraide à Las Vistas, qui semble avoir oublié ces mots il y a bien longtemps ?

Un running gag consiste en Wolf énumérant les « Règles de la
Surface ». Au final, on ne sait toujours pas combien il y en a !

Est-ce que c’est bien ?

Lorsque je dis « Monde post-apocalyptique », vous avez probablement des images assez classiques qui vous viennent en tête : bâtiments écroulés avec des zombies qui traînent, ou larges étendues de désert où foncent des voitures pleines de piques gonflées à la nitro, pilotées par des demi-mutants à moitié fous aux coupes extravagantes… J’en passe et des meilleures. Le genre « post-apo’ » (pour faire court) est bien connu, assez varié en termes d’esthétique et de cadres, mais il y a un point qui ne change presque jamais : ce sont toujours des univers sombres, violents et cyniques. Les bons n'y sont jamais très bons, les méchants toujours très méchants, la vie est dure et impitoyable, et la plupart du temps ce sont les plus durs et les plus impitoyables qui s’en sortent le mieux. Si cela peut fournir un excellent cadre pour le défouloir et la catharsis, ça n’est pas spécialement un univers dans lequel on voudrait passer ses vacances, encore moins vivre…

Les décors de Kipo sont de toute beauté, mais
c'est un monde aussi beau que dangereux !

Kipo fait exactement l’inverse : cette série prend tout le genre à contrepied, et c’est là son talent. Au lieu d’avoir comme protagoniste une survivante endurcie, on a une jeune fille naïve à l’optimisme inépuisable, mais terriblement mal adaptée à la survie en surface ; au lieu d’un compagnon de route faible et inutile, qui sert surtout de faire-valoir en détresse, on a la survivante ultrasérieuse évoquée plus haut ; au lieu d’une progression de personnage où la protagoniste doit s’endurcir pour survivre à ce monde hostile, on va plutôt la voir essayer de changer les choses et les gens, avec des mots plutôt que des coups.
Et là où le post-apocalyptique classique fait grande consommation de mutants qui ne sont au mieux que des éléments de décor, au pire des ennemis monstrueux et sanguinaires pour remplir le quota de boucherie, Kipo propose des mutants pas si laids que ça, tous uniques avec leur personnalité, leurs modes de vie, leurs cultures si variées, et ne cesse jamais de les traiter comme des personnages à part entière plutôt que comme des obstacles jetables.

En bref, Kipo et l’âge des animonstres prend un genre traditionnellement cynique, et tente de faire du Post-apo’ optimiste. Cette série réussit-elle son pari sans mièvrerie ou raccourcis ?
Oui ! Du moins à mon sens. Le pari est risqué, et j’ai bien trouvé à plusieurs reprises que les choses étaient un peu trop faciles pour notre héroïne, mais à mesure qu’avance l’histoire ces écueils disparaissent, et la jeune Kipo aura plus que sa part de mise à l’épreuve. Loin de se réfugier dans la facilité d’un monde où le conflit s'évapore de lui-même, où tout le monde devient beau et gentil dès qu’on fait un petit effort, Kipo propose simplement un monde post-apocalyptique dévasté et hostile, certes, mais avec de l’espoir, où l’on n’est pas obligé de résoudre les situations en se tapant dessus, et où chacun mérite une seconde chance.



Si l’on ajoute à ça l’excellent travail d’animation, les personnages variés et attachants, les doublages impeccables (Karen Fukuhara, qu'on avait pu entendre dans She-Ra, est plus en forme que jamais), et ce monde aussi vaste et dangereux que propice à l’exploration et l’émerveillement, Kipo et l’âge des Animonstres réussit à transcender et renverser les codes de son genre sans pour autant tomber dans le hors-sujet.
Son monde est intrigant, et si le scénario tend à être simple et direct dans ses développements (j’ai vu venir plusieurs points majeurs de l’intrigue jusqu’à une saison à l’avance), l’histoire reste suffisamment rare dans ce genre d’univers pour mériter qu’on s’y intéresse. La série évite aussi un écueil fréquent, où les conséquences des actions sont vites effacées pour revenir à un statu quo – ici, pas de solution de facilité : quand quelque chose de grave se produit, ça persiste dans le temps.
En revanche, ne cherchez pas une série de science-fiction très rigoureuse question « sciences » ; les biologistes qui nous lisent devront s'accommoder d'une forte licence artistique, dans une série qui se focalise plutôt sur son esthétique et les interactions entre personnages.

Pourquoi je regarderais ça ?

Pour une série qui exploite d’une manière nouvelle un genre qui commençait à s’empoussiérer, tout seul dans son désert radioactif brutal et sans pitié.
Pour un roadtrip épicé avec des personnages attachants, qui traversent des situations tantôt drôles, tantôt inquiétantes, tantôt émouvantes, et qui vont tous grandir et changer au cours de ce voyage pas comme les autres. Pour une série à l’excellente diversité de représentation, aussi bien ethnique que sociale ; des personnages LGBTQIA+ en particulier reçoivent une attention louable, non seulement parce qu’ils participent activement à l’histoire et ne se contentent pas de leur rôle d’extras, mais surtout parce que leur sexualité ou leur non-conformité de genre ne sont pas le trait qui définit toute leur personnalité. Ce n’est qu’un détail au même titre que la couleur préférée, qui étoffe les personnages sans les enfermer dans une caricature simpliste.
Pour sa bande-son atypique : mêlant morceaux « du commerce » et compositions originales, la musique de Kipo est vraiment riche et variée quoique résolument orientée hip-hop, ce qui lui donne à la fois une solide identité et une originalité marquée. La bande-son aura réussi à me faire apprécier des airs de rap, d'électro et de dubstep qui habituellement n'entreraient pas trop dans mes goûts.

 

Des cassettes dans du post-apo ? Pas si anachronique que ça, si la
catastrophe est postérieure à leur actuel retour à la mode ! Peut-être
même datent-elles d'encore plus loin dans notre futur – ça expliquerait
comment diable elles peuvent encore fonctionner au XXIIIème siècle…

En bref, pour une série animée moderne, engageante, haute en couleur, drôle et surtout très rafraîchissante, autant par ses personnages que par ses thèmes ; série qui prend un pari audacieux, et parvient à faire souffler un vent d’espoir et d’optimisme sur le genre post-apo’, pour l’aider à refleurir et à se renouveler.

Conclusion

DreamWorks a su faire appel à un showrunner talentueux pour cette série, qui en plus se distingue comme création originale à une époque où le studio se faisait une spécialité des reboots de franchises des années 80. Et vous, l'avez-vous vue ? Et appréciée ?

Comme toujours, dites-nous en commentaire si vous voulez que nous parlions d'une série en particulier. D'ici la semaine prochaine, ¡ Hasta Las Vistas !

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