[Des Lumières sur la Toile] – #1 : les Bad Guys

Posté le 15/03/2023 à 17h00 par Tumbleash
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Par VladimirJazz

 

Bonjour tout le monde ! Et bienvenue dans ce nouveau type d'articles, consacrés aux films d'animation. Anciens, nouveaux, 2D, 3D, peu importe : du moment que c'est animé, nous pourrons en parler ! Bien sûr, si vous avez vous-même des souhaits de films dont vous aimeriez que nous parlions, listez-les nous en commentaire : si nous les avons vus, nous nous y pencherons !

La première édition des Lumières sur la Toile sera Les Bad Guys, un braquage perpétré en 2022 par les studios DreamWorks !

Attention, il s’agit d’un film de braquage et selon la formule consacrée, il comporte nombre de retournements de situation tout au long de l’histoire. Le résumé détaillé sera donc sous spoiler : sautez-le si vous ne l’avez pas vu !

 

Synopsis :

Avez-vous déjà vu un Loup dans le rôle d’un héros ? Un Serpent ? Ou une Tarentule, un requin ou un Piranha ? Peu probable ! Dans l’imaginaire collectif, ces bêtes-là sont au mieux des nuisibles, au pire des menaces… M. Loup, M. Serpent, Mlle Tarentule, M. Requin et M. Piranha le savent bien : toute leur vie, on les a traités comme des dangers publics. Considérant que « si ce sont les cartes qu’on nous a données, autant bien les jouer », ils embrassent à fond leur rôle de méchants, et enchaînent les braquages de haut vol sans jamais se faire prendre. Mais lorsque la nouvelle gouverneure de Californie, les ridiculise à la télévision, M. Loup en fait une affaire personnelle…

M. Loup convainc son gang de dérober le Dauphin d'Or – un « Trophée de Gentillesse », et surtout le Saint-Graal des braqueurs que nul n'a réussi à voler. Réussir ce tour de force consacrerait leur réputation de maîtres bandits pour toujours !
Mais le casse, pourtant minutieusement préparé, tourne mal et le gang est enfin attrapé… Pour échapper à la prison et tenter leur chance une nouvelle fois, M. Loup tente un audacieux coup de poker : faire croire au monde qu'ils ont décidé de devenir bons ! À leur grande surprise, le Professeur Marmelade – récipiendaire du Dauphin d'Or de cette année – accepte de les prendre en charge pour les faire passer du bon côté !

Mais la chose ne s'annonce pas si facile… Les talents du professeur suffiront-ils à effacer toutes ces années de mauvaises habitudes ? Par ailleurs, même si les Bad Guys arrivaient à changer, le public accepterait-il d'y croire, d'autant plus que c'est une ruse ? Mais en est-ce toujours une ? M. Serpent, en effet, commence à se demander si son ami de toujours M. Loup n'a pas décidé de se ranger pour de vrai… Leur amitié y survivra-t-elle ?

 

Spoiler!

Résumé détaillé :

Les Bad Guys, composés de M. Loup (le meneur et conducteur), M. Serpent (le briseur de coffres), Mlle Tarentule (la hackeuse), M. Requin (le maître du déguisement) et M. Piranha (le muscle cinglé) enchaînent les coups sans jamais se faire attraper. Musées, banques, bijouteries : rien ne les arrête, et le gang a amassé un butin considérable. Mais lorsque Diane Foxington – nouvelle gouverneure de l’État – annonce à la télévision qu'ils sont déjà hors du coup, M. Loup en fait une affaire personnelle. Il convainc son groupe de tenter leur coup le plus audacieux, pour cimenter leur légende à tout jamais : voler le Dauphin d’Or, le St-Graal des voleurs !

Ce trophée est accordé tous les ans à la personne élue « plus gentille de l’année » – cette fois-ci, le lauréat est Rupert Marmelade, IVème du nom. Ce cochon d’inde scientifique, philantrope et insupportable de bienveillance sirupeuse a investi une grande part de sa fortune dans diverses œuvres de bienfaisance, notamment reconstruire un quartier de la ville dévasté par la chute d’une météorite. La gouverneure doit remettre en personne le trophée au professeur au cours d’une cérémonie grandiose. Les Bad Guys préparent soigneusement leur coup, mais tout ne se passe pas comme prévu et au dernier moment, ils sont pris ! Pour éviter la prison, Loup tente un coup de bluff inédit… les Bad Guys vont devenir bons !

Son idée qu’il expose au professeur Marmelade est simple : les Bad Guys mènent cette vie de criminels car on ne les a jamais laissés être quoi que ce soit d’autre. S’il y en a bien un qui pourrait les ramener du bon côté, c’est le parangon de gentillesse qu’est le professeur ! Celui-ci, avec l’accord réticent de la gouverneure (et au grand dam de la cheffe de la police, qui tente depuis des années de les arrêter), veut tenter l’expérience. Loup explique ensuite à ses collègues que ce n’est qu’une ruse : les Bad Guys doivent faire profil bas pour faire croire au monde qu’ils veulent vraiment se racheter. En échange, ils seront amnistiés par la gouverneure et invités à un gala de bienfaisance du professeur, au cours duquel le Dauphin d’Or (mis de côté entre-temps) sera remis à Marmelade pour de bon. Ils pourront alors retenter leur coup, et s’enfuir avec le trophée et un héritage éternel !


C'est ce qui est prévu, en tout cas.

Le gang est pris en charge à la luxueuse propriété de Marmelade, et se prête bon gré mal gré à ses exercices avec un succès très mitigé. Une opération pour libérer des animaux de laboratoire entache encore leur image, mais une discussion entre Foxington et Loup motive ce dernier à faire des efforts. Cela paye, et très vite leur cote remonte ! Ils sont désormais sûrs d’être invités au Gala de charité !
Seul Serpent a des doutes, il craint que Loup n’ait vraiment décidé de se ranger quitte à les laisser tomber. Ce dernier le rassure : pour rien au monde il n'abandonnerait son groupe ! Mais il est vrai qu'il se pose de plus en plus de questions sur ce qu'il veut devenir, depuis sa discussion avec Diane…


Appréciez le jeu de mot : on a déguisé le loup en agneau.

Le Gala arrive, et les nouveaux Good Guys font sensation ! Leur popularité permet de lever près d’un milliard de dollars en donations, qui seront reversées aux plus nécessiteux de la ville, et tout le monde passe un bon moment. Plus important, les bandits ont réussi à tout mettre en place pour leur coup de maître. Mais au dernier moment, Loup a des remords et fait de nouveau rater l’opération ! Pire encore, la fameuse météorite – transformée en monument – est volée sous le nez de tout le monde ! Nos larrons font des coupables évidents et on les embarque. Dans le fourgon, Marmelade tombe le masque : c’est lui qui a volé la météorite, car elle émet une puissante onde dont il se servira pour monter le plus grand casse de l’histoire ! C’est aussi lui qui a manipulé nos Bad Guys, depuis le début, pour les amener à ce moment précis où il pourrait les faire accuser à sa place. Loup se met en colère et achève de cimenter l’opinion générale : les Bad Guys ne peuvent pas changer et doivent finir leur vie en prison. Seule Diane trouve que quelque chose cloche et se met à enquêter. D’ailleurs, Loup dans la confusion lui a donné une adresse en ajoutant : « Je rends tout »…

Arrivés à la prison de Haute Sécurité, les membres du gang demandent des explications à Loup. Il finit par admettre qu’il a vraiment cru à cette chance de rédemption, qu’il en avait assez de fuir et d’être vu comme un monstre, qu’il espérait une vie meilleure pour le groupe. C’est alors que le légendaire voleur Patte Écarlate, en réalité Diane, arrive et les libère. Elle a mené son enquête : Marmelade prépare quelque chose de terriblement dangereux, il faut l’arrêter. Loup se porte immédiatement volontaire, mais le reste du gang se sent trahi et l’abandonne.


Une scène de séparation sur une plage avec un temps gris.
Aurions-nous déjà vu ça quelque part ? Hmmmm…

Marmelade, en possession de la météorite et lavé de tout soupçon, exécute son plan diabolique. Il utilise la fameuse onde pour contrôler mentalement les cobayes de laboratoire libérés plus tôt, et intercepte les fourgons contenant l’argent levé au gala ! Pendant ce temps, Serpent, Tarentule, Requin et Piranha regagnent leur repaire… pour le trouver vide, car Loup l’avait révélé à Diane lors de leur arrestation ! Dans ce moment de désespoir, Serpent fait une bonne action. Les autres découvrent le sentiment que procure le fait de faire le bien, et se disent que si Serpent, le plus cynique d’entre eux, a pu changer, il y a de l’espoir pour eux aussi ! Mais Serpent refuse de l’entendre et part de son côté.

Loup et Diane se rendent chez cette dernière, comprennent le plan de Marmelade et décident d’aller lui voler la météorite pour interrompre le signal qui contrôle les rongeurs. Ils s’infiltrent dans la propriété, mais tombent dans un piège et sont capturés. Marmelade vient les narguer et leur dévoile son nouveau partenaire de crime : M. Serpent, avec qui il partage même le casque de contrôle mental ! Sur ce, il active un piège mortel et les abandonne à leur sort. Heureusement, Diane et Loup sont secourus par le reste du gang qui a décidé de changer aussi. Ensemble, ils dérobent la météorite et s’enfuient en voiture… mais le signal n’est pas interrompu ! Ils piratent donc manuellement les fourgons pour qu’ils restituent l’argent, et s’apprêtent à remettre la météorite à la police… mais Serpent leur manque trop, ils ne peuvent le faire sans lui. Dans une confrontation finale, Marmelade trahit Serpent et pour le sauver, les Bad Guys n'ont d'autre choix que de laisser la météorite au professeur.

Et celle-là, de référence, vous l'avez ?

Sur le site du cratère, la police vient arrêter les bandits, qui se rendent paisiblement. Ils en profitent pour couvrir Diane, qui était sur le point d’avouer sa carrière de criminelle. Quant à Marmelade, il vient se faire mousser devant les caméras et la météorite, et il s’en tirerait… sauf que Serpent, conscient du danger que représentait l’instable caillou spatial, l’a échangé plus tôt avec une copie qui décorait la villa de Marmelade ! Les Bad Guys ont volé la copie, la vraie est restée sur place et elle a fini par surcharger ! Elle explose avec toute la propriété – il est désormais évident que c’est Marmelade le coupable et il est embarqué à son tour. Un quiproquo le fait même passer pour la Patte Écarlate, assurant que le secret de Diane sera bien gardé…

Un an plus tard, les Bad Guys obtiennent une libération anticipée pour bonne conduite. Diane vient les chercher, et ils peuvent désormais entamer leur réinsertion !

 

Un peu d’histoire autour du film :

Les Bad Guys est réalisé par Pierre Perifel qui débute à ce poste, et le scénario est écrit par Ethan Cohen et Hilary Winston. C'est aussi une adaptation libre d'une série de livres jeunesse de l’australien Aaron Blabey, qui fait partie des producteurs. Dans les livres, de féroces prédateurs décidaient de changer et revenir du côté du bien.
La série était assez longue, les membres recrutés au fur et à mesure (Tarentule par exemple n’arrivait que dans le quatrième tome), et nombre d’éléments de leur personnalité étaient très différents.

La plus grosse différence est peut-être que le monde des livres était entièrement composé d’animaux anthropomorphes, alors que dans le film presque tous les personnages sont humains, sauf les Bad Guys eux-mêmes, Diane et Marmelade. Ce n’est jamais expliqué. Par ailleurs, les modèles des humains sont considérablement plus simples ; à part celui de la cheffe de la police et du majordome de Marmelade qui se démarquent du lot, les autres réussissent le tour de force d'être tous uniques, et à la fois tellement semblables qu'ils ont l'air interchangeables. Peut-être est-ce pour mieux faire ressortir les personnages animaux, qui eux sont soigneusement différentiés dans leurs mouvements et leurs mimiques ?


D'un autre côté, si l'histoire se place du point de vue des animaux-bandits,
il est cohérent que pour eux les humains aient l'air de tous se ressembler.
À plus forte raison lorsqu'ils sont tous en uniforme !


Critique personnelle

Disons-le franchement, Les Bad Guys ne brille pas par son scénario. Il n'est pas mauvais à proprement parler, disons juste que j'ai vu venir un à un tous les retournements de situation, à l'exception des plus invraisemblables qui semblent carrément sortir de nulle part, rajoutés à la dernière minute comme un glaçage au citron sur une tarte aux poireaux. Le fond de l’histoire avec ces personnages enfermés par la société dans leur cliché de « méchants », ne propose rien de novateur que l’on n’ait déjà vu dans ShrekZootopie ou le premier Les Mondes de Ralph. Quant à la forme, c’est celle d’un film de braquage classique qui épouse, sans (presque) jamais nous surprendre, tous les codes et clichés du genre, jusqu'aux coups de théâtre en cascade – et je le répète, les derniers sont aussi les moins plausibles, complètement sortis du chapeau. En-dehors de ça, le rythme est solide, les gags (quoique pas toujours fins) font mouche et savent se renouveler, mais l’histoire n’a clairement rien d’exceptionnel.

Alors, pourquoi regarder ce film ? Déjà parce que ce qu’il lui manque en créativité, il le compense par l’érudition et une maîtrise très poussée de son ambiance et de ses codes. On a très clairement affaire à une œuvre de cinéphiles qui connaissent leurs classiques et leur rendent un hommage solide. La photographie est très belle, les plans et la mise en scène très soignés ; la scène d’ouverture du film en particulier semble sortir tout droit de Pulp Fiction, tandis que d’autres saluent respectueusement les Ocean’s et les Insaisissable comme les films de science-fiction ou de comics de série B.

On oublierait presque qu’on se trouve dans un film d’animation, si celle-ci parvenait à se faire oublier…
Pardon, ça avait l’air d’un reproche ? Bien au contraire ! Car sans exagérer, l’animation dans les Bad Guys est une prouesse, c’est du jamais-vu dans son registre. À la différence des Disney, Pixar et BlueSky qui ont chacun un style bien établi et s’en écartent rarement, ce DreamWorks innove et prend des risques. Par moments, le traitement de l’image fera penser à une bande-dessinée (ce qui n’est pas sans rappeler ce qu’on a pu voir dans Spider-Man: New Generation en 2018).

Mais le reste du temps, on mêle des décors photoréalistes avec des personnages absolument cartoonesques… et ça marche ! Ces décors qui font rarement dans le déformé, à quelques exceptions près (principalement les accessoires, les véhicules…) aident à établir une ambiance qui se démarque franchement de la moyenne des films d’animation. Quant aux personnages, c’est bien simple… ils ont beau être en 3D, ils bougent comme des toons, j’entends par-là ceux en 2 dimensions de la grande ère des Merry Melodies et des Tex Avery.

Ce petit prodige passe par de nombreux trucs qu’on ne distinguera pas forcément au premier visionnage ; mais à mesure que je les remarque, ils ne font qu’accroître mon respect. Ainsi des yeux aux reflets simplifiés, des mouvements volontairement non-réalistes, un discret cel-shading agrémenté de couleurs plates et traits accentuant les expressions, des speed-lines ou d’occasionnels flous de mouvement dessinés nous font passer de l’esthétique de la BD occidentale à celle des mangas, mais encore une fois gravitent surtout autour de celle des dessins animés à l’ancienne.

Un détail en particulier cimente cette esthétique unique : tous les personnages avec leur modèle déformable à l’extrême et à l’envi, possèdent tous plusieurs dentitions qui peuvent changer au détour d’un mot. La gamme d’expression que cela leur donne n’aurait rien d’inhabituel dans un film d’animation 2D, particulièrement chez les japonais qui apprécient le super-deformed y compris dans des productions « sérieuses » ; dans un film d’animation occidental en 3D, en revanche, c’est une vraie innovation et apporte beaucoup de fraîcheur.



À ce petit jeu, c’est encore M. Serpent qui gagne haut la main.
Ce qui est assez impressionnant pour quelqu'un qui n'en a pas.

Le film est aussi généreux en traits d’humour, ainsi qu’en petits clins d’œil discrets qui encouragent à revisionner, ou aux arrêts sur image. Par exemple, cette coupure de journaux signée A. Blabey, comme Aaron Blabey qui a écrit les livres dont le film est inspiré… Pour le reste, l’humour est principalement visuel, et encore une fois l’animation hyper-expressive, ces modèles qui parlent et bougent comme des toons à l’ancienne s’y prêtent beaucoup.

Pour la dernière image, je vous donnerais volontiers le contexte.
Mais si vous avez vu le film, vous savez ; si vous ne l'avez pas vu,
je préfère vous laisser dans le brouillard pour que vous le voyiez !

Verdict

Que retenir de ce film ? Un sympathique divertissement, sans grandes prétentions du côté de son histoire dont la narration se contente de fonctionner sans jamais briller ; mais surtout un véritable pionnier au niveau visuel et esthétique. Maniant l’animation 3D dans une formule radicalement inédite mêlée de 2D discrète mais efficace, DreamWorks marie le meilleur des deux mondes, tente des choses et s’aventure dans de nouveaux territoires qui pourront être davantage explorés dans des films ultérieurs, comme Le Chat Potté 2. Mais ce sera pour un autre article !

Pour finir, n'hésitez pas à nous faire vos retours sur ce type d'article, y compris vos critiques constructives. Y'a-t-il des choses à développer, d'autres à changer ? D'autres articles de ce genre vous intéresseraient-ils ? Et avez-vous des suggestions pour les prochaines éditions ? Dites-le nous en commentaire !
À très bientôt !

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