[Analyse] – My Little Pony : l'horreur glaçante sous la couche de glaçage

Forbidden Knowledge par Dusthiel

On l'aura bien compris, c'est Halloween. Il semble qu'en cette fin de mois d'octobre, rien ni personne dans notre monde occidental n'échappe à la vague des costumes effrayants, des chasses aux sucreries et des décorations couleur citrouille.
My Little Pony n'est pas en reste, bien sûr, et c'est justifié ! Nos chers petits poneys ont après tout leur propre version d'Halloween, qui permet aux fans de célébrer cette fête en compagnie de leurs personnages préférés, dans une ambiance qui reste agréable et bon enfant.
C'est d'ailleurs un atout de cette série : elle n'a pas peur, par moments, de s'aventurer sur des terrains plus sombres, dans des ambiances plus tragiques ou angoissantes ; mais le ton général reste assez léger, lumineux, pour que l'on puisse triompher de ce qui fait peur par le rire, par l'espoir, par l'amitié.
En bref, dans un monde qui peut se montrer sous un jour effrayant, même ce qui fait peur reste, en un sens, rassurant.

… Oui, mais…

Pourquoi a-t-on peur de l'obscurité ? Parce qu'on ne voit pas se qui s'y cache. Et comme la plus rusée des menaces, certains détails dans l'univers d'MLP échappent au premier regard, mais une fois décelés, ils donnent à ce monde une nouvelle dimension bien plus angoissante.
Ça vous est peut-être déjà arrivé ? Quand on repense, après coup, à un épisode, une scène, même un bref moment, et qu'on réalise tout à coup que quelque chose ne va pas du tout ?

D'autres plus talentueux que moi se sont déjà essayés à cet exercice, aussi je n'irai pas récupérer dans la très large documentation à ce sujet. Je vous propose simplement d'examiner ici trois éléments, visibles dans la série et en apparence anodins, qui révèlent leur côté obscur dès lors que l'on tire un peu sur le fil…
Le monde magique d'Équestria est-il vraiment ce paradis idéal ?

I- Pourquoi les Poneys sont-ils si ignorants ?

En Équestria, les menaces sont nombreuses. Monstres sauvages, plantes venimeuses, créatures malfaisantes, artefacts maudits, Tartare, et j'en passe. Ponyville en elle-même semble souvent victime de son environnement, et pourtant les habitants ne la fortifient pas, et vivent des vies très insouciantes.
En fait, il semble même que l'insouciance soit l'attitude générale d'à peu près tout le monde, y compris les dirigeants. Combien de fois une menace millénaire, une légende oubliée ont ressurgi pour semer le chaos ? Et combien de fois le peuple d'Équestria était-il préparé ? Ce n'est presque jamais le cas… Quand on a la moindre documentation sur la menace de la semaine, c'est à travers de vieux livres, pas toujours traduits, des parchemins que seuls quelques érudits savent déchiffrer. Quand quelqu'un a seulement entendu parler d'un danger, la réaction est bien souvent « Mais voyons, ce n'est qu'un mythe ! Un conte, pour effrayer les enfants ! »
Pourtant, vue la fréquence à laquelle les contes révèlent à quel point ils sont ancrés dans la réalité, on se dit que la réaction serait bien intégrée, qui consisterait à toujours prendre au sérieux ce qui ressemble au folklore – juste au cas où le folklore serait là, justement, pour nous avertir d'un danger réel…

Alors ? Pourquoi personne n'en sait jamais rien ?
Une explication possible serait que les histoires sont trop lointaines. La plupart de ces légendes remontent à des temps très éloignés (enfin, toujours à peu près mille ans), et il ne reste quasiment plus personne de vivant qui ait connu ces évènements. Quant aux princesses, on peut admettre qu'en 1000 ou 2000 ans, elles aient pu oublier nombre de choses. Faute d'une bonne documentation, les faits auraient pu s'enjoliver, devenir des légendes, puis des mythes, avant de faire simplement partie du décor... Mais pourquoi, justement, ne pas faire de plus sérieux efforts de documentation, de traduction, de maintien des écrits ? Pourquoi ne pas mieux préserver le savoir, quand le savoir pourrait préserver le peuple ? Est-ce une simple négligence ?

H.P. Lovecraft nous apporte une autre piste :
« Nous vivons sur une île de placide ignorance [...] mais un jour viendra où la synthèse de ces connaissances dissociées nous ouvrira des perspectives terrifiantes sur la réalité  et [...] nous rendra fous », nous dit-il en substance.
Il faut bien admettre que le poney moyen, pour ignorant qu'il soit, ne s'en porte peut-être pas plus mal, étant donné qu'il a le self-contrôle d'un chiot qui n'a pas eu sa promenade. Peut-être que si les poneys avaient conscience d'à quel point le monde dans lequel ils vivent est dangereux, à quel point il les dépasse, les mouvements de panique seraient incontrôlable et les Princesses ne gèreraient plus rien.
Solution : contrôler la pensée !

Dès la saison 2, Twilight avait compris tout ce qu'il fallait pour être une vraie princesse.
Quant à Starlight, pas de doute : elle était prédestinée à devenir son élève.

À chaque fois que quelque chose de majeur se produit, il devient primordial de camoufler la réalité trop terrifiante, et de publier une "version officielle", savamment bricolée, une fable que l'on servira au peuple et qui est conçue pour devenir en quelques générations une légende, que plus personne ne prendra au sérieux. On évite ainsi de rappeler aux poneys tout ce qui les guette dans l'obscurité... Sinon, comment leur civilisation aurait-elle pu, en seulement mille ans, oublier la vraie histoire de Nightmare Moon, l'Empire de Cristal, les Kirins, et le sacrifice des Piliers encore dans la force de l'âge, pour ne nommer que cela ?

Il faut que personne ne s'intéresse à l'Histoire du pays, ou… Que l'Histoire, justement, ne soit qu'une construction artificielle, incomplète et délibérément floue, une somme de contes plus ou moins fantaisistes, prévus pour un peuple qui a été éduqué à oublier…
De fait, Équestria semble fonctionner selon le principe d'une aristocratie à base de "Philosophes Rois" : les plus sages, c'est-à-dire les Princesses, gouvernent les ignorants. Si la réalité dépasse complètement le peuple, il est normal de l'en préserver pour son bien-être... Cependant, je ne puis m'empêcher de me demander jusqu'où cela peut aller. Combien de chapitres de l'Histoire d'Équestria sont encore passés sous silence ? Combien d'évènements honteux ont été dissimulés, ou perdus dans les méandres du passé ? Combien de gêneurs, de dissidents politiques, de rivales amoureuses ont pu être discrètement retirés de la circulation, en couvrant la disparition avec une jolie histoire dont on a la garantie qu'elle sera sagement gobée par la populace ?
Et surtout, combien d'autres menaces pendent encore, comme autant d'épées de Damoclès, au-dessus de la tête d'un peuple dont toute la culture repose sur l'amnésie collective ?

II- Les Rêves : une affaire d'État

Pendant mille ans, la Princesse Luna n'était pas là pour veiller sur les rêves de ses sujets, et les poneys faisaient sûrement des cauchemars comme tout le monde. Néanmoins, ce qui se passait dans leurs rêves, restait dans leurs rêves ; ce qui se trouvait dans leur esprit ne concernait qu'eux.
Depuis le retour de la Princesse, ils font moins de cauchemars, car elle se promène dans le monde des rêves et se tient prête à intervenir, pour les rassurer ou les aider à avancer...
Mais leur esprit n'est donc plus une affaire privée !
Luna peut observer les rêves de n'importe qui, à son insu, et savoir tout ce qui se trame dans les recoins de son inconscient. C'est là un moyen de surveillance massive du peuple, qui en plus passe pour de la bienveillance – Big Brother me regarde pour ma protection, c'est bien connu.
Certes, son Altesse n'est probablement pas mesquine au point d'espionner les rêves pour connaître les détails intimes ou gênants (encore que). En revanche, tout ce qui pourrait tomber sous le coup des "menaces potentielles pour Équestria" est sûrement une autre affaire. Les possibilités sont nombreuses : dissidents politiques, personnes un peu dérangées, enquêteurs sur le point de découvrir un secret d'État soigneusement dissimulé, ou même tout simplement les gens qui refoulent énormément de colère en eux ; des gens qui ne feraient probablement de mal à personne dans la vraie vie, mais se défoulent (parfois malgré eux) dans leurs rêves, peuvent donc être immédiatement repérés et fichés sans même le savoir.
L'esprit d'un individu, qui devrait être une terre inviolable, est donc une affaire publique, une affaire d'État, dès que la personne dort, pour autant que Luna soit concernée. Et pour peu qu'elle ait le moindre compte à régler avec qui que ce soit, cela devient aussi une affaire personnelle, qu'elle peut régler comme elle l'entend sur un terrain où elle est toute-puissante car sans contre-pouvoir pour servir de garde-fou - mais on y reviendra plus loin.

Un autre problème, ici, est la somme d'informations et donc de pouvoir qui est confiée à un seul être, qui a déjà démontré son côté obscur. En outre, réformée ou non, Luna a aussi montré à quel point elle est faillible.
C'est sans la moindre mauvaise intention (en tout cas vis-à-vis des autres) que Luna a créé le Tantabus, et pourtant il a failli se montrer plus fort qu'elle. Elle aurait donc pu détruire Équestria par accident. "Oups, j'l'ai pas fait exprès…"
Et c'est à la même personne qu'est confié le pouvoir de sonder l'esprit de ses citoyens ? Autre hypothèse, que se passerait-il si quelqu'un de mal intentionné avait accès au savoir et aux pouvoirs de Luna ? Toute la population serait alors compromise, rendue vulnérable à travers une seule personne.
Enfin, un détail me chiffonne : on a vu Luna intervenir dans des rêves, principalement pour vaincre des cauchemars, ou contacter des individus et leur parler. Elle peut changer les rêves d'une personne - et donc potentiellement les modeler à sa guise. Qu'est-ce qui l'empêche de venir tourmenter quelqu'un dans son sommeil, même avec de bonnes intentions ? Quelles implications cela peut-il avoir, si on repense à l'Histoire manipulée abordée plus haut ? En plus d'un moyen de surveillance, l'influence sur les rêves n'est-elle pas aussi un merveilleux outil pour la propagande et la manipulation ?
Je connais une histoire, comme ça, dans laquelle on peut utiliser le monde onirique pour implanter une idée chez les gens, et influencer leur pensée. Dans mes souvenirs, cette histoire ne finit pas très bien...

III- De bien étrange choix culturels

Certains poneys portent des fers. Mais pourquoi pas ? Si cela soulève la question de savoir qui peut bien les leur poser, cela reste un accessoire utilitaire, bien pratique pour marcher sur des terrains difficiles.
En revanche, des poneys portent aussi des selles. Certains complètent avec une bride, d'autres avec un collier d'épaules. Mais… Qui les chevauche ? Les Diamond Dogs, me direz-vous – on les a vus tenter de forcer des poneys à leur servir de bêtes de selle et de trait, mais on ne peut pas dire que ce soit très amical. Spike, également, a déjà été vu passant une bride à Twilight Sparkle, qui rechigne un peu mais finit par laisser couler.
Comment de tels éléments, qui sont indissociables d'une culture de l'animal monté, peuvent-ils subsister chez des poneys qui ont leur propre civilisation, et ne sont pas censés être asservis à une autre pour remplir cet usage ?

Spike a été élevé chez des poneys, au point de se considérer comme un des leurs.
Mais visiblement, leur culture n'a pas posé un tabou énorme sur ce genre de comportement.

Oh, certes, on pourra avancer des hypothèses telles que "ce n'est qu'une plaisanterie", "c'est adapté à leur morphologie", ou "c'est parce qu'il y en a dans les sets de jouets". Mais pourquoi des selles, quand des vestes ou des capes remplissent le même rôle ? Pourquoi des brides, plutôt que de simples tiares ou des chapeaux, les poneys semblant de toute manière raffoler de couvre-chefs en tous genres ?
Et pourquoi ce détail étrange se retrouve-t-il jusque dans leur langage ? En effet, on entend Twilight Sparkle, dès la saison 1, dire "À cheval donné, on ne regarde pas les dents". Qu'est-ce que c'est que ça !? Quel poney civilisé pourrait avoir le concept de donner, comme une possession matérielle, un autre équidé à un troisième ? Ou de juger de sa qualité de cette manière ? Tous ces éléments ne me semblent pas logiques, à moins que…
À moins que la culture équestre ne compte plusieurs couches. Et que l'une d'elle, bien cachée sous le vernis et les paillettes, soit celle d'une Histoire ancienne, refoulée, où les poneys n'étaient pas leurs propres maîtres, mais justement les bêtes de somme ou de selle d'une autre espèce. Et cette facette de leur Histoire, ignorée de tous, transpirerait discrètement, insidieusement, à travers des détails culturels tels que la mode, les vieux adages ou les activités sportives.
En continuant dans cette direction, il n'est pas non plus exclu que cet ancienne servitude se soit manifestée au sein de la même espèce. Tous ces objets complexes à fabriquer, surtout sans mains, auraient pu être inventés par la seule espèce dotée de magie, pour les utiliser sur la ou les castes de travailleurs. Ne sont-ce pas toujours des licornes qui dirigent Canterlot, de nos jours ? Ou Ponyville ? Ou qui occupent tous les postes à responsabilité, sauf peut-être dans les villes où on ne peut trouver de licornes ?

Sombra est de la vieille école. Si l'esclavage a été volontairement éradiqué de la
culture équestre, il n'était pas là pour le voir. Toujours à sécher les cours, celui-là.

Il y a une dernière possibilité, qui redorerait un peu le blason des têtes d'épingle. Il se pourrait très bien que les poneys que l'on connaît n'aient jamais eux-même été des montures ou des animaux de trait - mais qu'ils en eussent employé eux-mêmes.
On a en effet pu remarquer que la série avait toujours eu un rapport ambigu avec ce qui constituait ou non une espèce pensante. On trouve des chiens et chats domestiques, qui ne parlent pas et servent d'animaux de compagnie. Mais on trouve aussi des Diamond Dogs (relativement) intelligents, doués de langage, de technique et de culture, ainsi que des Abyssiniens dont les capacités intellectuelles se passent de démonstration. On trouve aussi des créatures au statut plus ambigu - les vaches et les moutons parlent, mais sont quand même traités comme du bétail, tandis qu'un minotaure sera considéré comme un être civilisé, qui lui-même emploie comme assistants à part entière des chèvres tout ce qu'il y a de plus banal. Iron Will serait-il plus progressiste que les équidés ?
En clair, dans une culture qui a autant de mal à définir clairement ce qui est ou non une personne, a fortiori un citoyen, il n'est pas difficile d'imaginer qu'il y ait pu avoir, à l'origine, deux variantes de poneys. D'un côté, la variété "magique", dont certains membres ont des cornes, d'autres des ailes, une espèce parlante et pensante, dominante et civilisée ; de l'autre, la variété "sauvage", bête et banale, dénuée de langage, et condamnée à la servitude. C'est à celle-là que seraient destinés selles, colliers et mors ; c'est à ces chevaux-là qu'on regarderait les dents, avant de les acheter pour les travaux désagréables.
Bien sûr, on n'a guère de preuves solides de quelque chose d'aussi farfelu. C'est pourquoi je me permets de rappeler les deux autres théories du complot citées plus haut : une Histoire nationale qui tient du recueil de contes, une culture de l'ignorance volontaire, et des dirigeantes qui peuvent fouiller jusqu'à l'inconscient de leurs sujets, pour les guider jusque dans leurs rêves. Dans de telles conditions, n'est-il pas aisé d'effacer ce que l'on veut de la fiction officielle du pays ? Surtout quand on est une princesse immortelle, qui a tout le temps pour le faire, à la différence du citoyen trop curieux ?

Encore une fois, rien ne prouve vraiment l'existence de ces "sous-poneys" asservis à leurs propres frères. Peut-être tout simplement parce que tout ce qui la prouvait a disparu. Combien de cadavres attendent encore patiemment de sortir du placard ?

Allez, ma grande, t'es princesse maintenant, c'est à toi de t'occuper de la mascarade
Orwellienne qui te sert de pays. T'inquiète pas, t'as des amies pour ça… Pour l'instant…

J'espère que ces suppositions gratuites et sûrement incohérentes auront suffi à vous amuser, et n'auront pas ruiné à vos yeux ce charmant petit dessin animé si innocent.
Je vous souhaite de vous divertir autant que possible durant la période, surtout pour nombre d'entre vous qui retournez en confinement. N'oubliez pas que les pires choses ont toujours une fin - après tout, on est bien ressortis vivants de la saison 7, non ?
Du moins, pour autant que je sache…

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